“MIEUX VAUT PREVENIR
QUE GUERIR”


NEWSLETTER 40︎︎︎ AUTOMNE 2023


EDITO ︎︎︎


Cher(e)s ami(es),

« Mieux vaut prévenir que guérir ». La prévention, c’est mettre en œuvre des mesures pour éviter l’apparition d’une maladie ou la traiter le plus tôt possible. Dans notre expérience au Bangladesh, la prise en charge au stade précoce d’une maladie permet le plus souvent des traitements simples, efficaces, peu couteux et qui peuvent être prodigués en autonomie par les soignants bengalis. La prise en charge au stade tardif nécessite par contre des soins le plus souvent complexes, couteux, douloureux (chirurgie) et aux résultats aléatoires.
 



Nous avons donc décidé, dès 2002, de mettre en place un programme de prévention du rachitisme. Cela s’est fait progressivement. L’expérience acquise et les moyens mis en place pour le rachitisme ont été utilisés pour le projet de lutte contre le pied-bot et nous espérons les mettre à profit pour les enfants atteints de paralysie cérébrale (CP).

Il s’agit d’un immense défi que nous avons tenté de relever, lisez plutôt !

Mais avant cela nous tenons à remercier toutes celles et ceux qui ont participés à ce projet et merci à vous pour la confiance que vous continuez de nous accorder.

Très amicalement,


L’équipe de rédaction AMD Bangladesh







“L’ENIGME DE CHAKARIA”


︎︎︎Thierry Craviari (chirurgien orthopédiste)

La « mystérieuse » épidémie de déformation des membres des enfants de la région de Chakaria a été la raison de notre engagement dans ce projet au début des années 2000. Nous avions été alertés par Shahidul Haque le fondateur de la SARPV.



Dans un premier temps nous avons essayé de comprendre la ou les causes de ces déformations. Pour cela nous avons formé un groupe de recherche : le Groupe de Convergence sur le Rachitisme (CRG). Y ont participé, les meilleurs spécialistes du rachitisme dans le monde. Tom Tacher (Pédiatre-Nigeria), Phil Fisher (Pédiatre-Mayo Clinic-USA), John Pettifor (Pédiatre-Afrique du Sud), Josiane Arnaud (Biologiste-CHU de Grenoble - France), Jean-Paul Cimma (Pédiatre), Craig Meisner (agronome-CIMMYT Bangladesh). Après recherches, enquêtes et analyses multiples, nous avons pu établir qu’au Bangladesh la carence alimentaire en calcium était la cause principale de ce rachitisme bien particulier.


La deuxième étape a été de tester l’effet de l’augmentation de calcium dans l’alimentation.

-200 enfants atteints de rachitisme ont été supplémentés en calcium par des comprimés. Au bout de 6 ans, 92% étaient améliorés et 73% étaient guéris, leurs déformations avaient complètement disparu. Les enfants qui n’étaient pas améliorés étaient le plus souvent ceux pour lesquels le traitement avait été débuté après l’âge de 6 ans. Vu le faible coût de ce type de traitement (10 euros par an à l’époque) il nous est apparu que le traitement médical précoce pouvait être une option intéressante.  

-45 enfants atteints de rachitisme ont bénéficiés de conseils pour augmenter le calcium dans leur alimentation. Nous avons encouragé les familles à consommer de végétaux riches en calcium, des graines de sésame, des produits laitiers, des petits poissons avec les arrêtes, et de rajouter de la chaux dans l’eau du riz. Aucun soutien financier n’a été réalisé. Au bout d’un an 90% des enfants s’étaient améliorés. Là encore il s’agissait des plus jeunes. Si le conseil nutritionnel pouvait guérir le rachitisme, il pourrait très certainement prévenir la maladie.



Le traitement médical précose, voir la vidéo ︎︎︎ ︎ 

La troisième étape a donc été de mettre en place un programme de prévention, de dépistage et de prise en charge précoce du rachitisme. Pour sensibiliser la population à l’importance d’augmenter la ration alimentaire en calcium une vidéo en bengali a été réalisée et a été projetée de village en village. Cela a duré quelques années puis avec l’aide de l’UNICEF nous avons lancé un véritable programme de prévention. Celui-ci a été organisé autour des sous-centres de proximité.
Un bilan plutôt positif. En 2023, Le nombre d’enfants consultant pour déformation des membres n’a que peu diminué. Cependant grâce à nos campagnes de sensibilisation les familles consultent tôt et les enfants ont le plus souvent soit une minime déformation dites « physiologique » ne relevant d’aucun traitement soit ils présentent un rachitisme débutant accessible au traitement médical. Le nombre de cas sévères relevant de traitement chirurgical est devenu l’exception, il est 25 fois moins fréquent qu’en 2002. Il est passé de 50/1000 à 2/1000.




22 ANS D’ENGAGEMENT
POUR LA SANTE
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︎︎︎Freddy Balestro (administrateur)

Depuis plus de deux décennies, AMD au Bangladesh s’est fixé pour but de rendre certains soins médicaux accessibles aux plus démunis. Tout a débuté avec la création du centre de Chakaria en partenariat avec la SARPV. Situé à environ 100 km de l'hôpital "Mère Enfant" de Chittagong, ce centre a accueilli des patients venant de villages éloignés. L’équipe de Chakaria se rendaient dans ces villages pour détecter les cas de rachitisme et encourager les patients à venir en consultation à Chakaria.
Pour se rapprocher davantage des patients, AMD et la SARPV ont d'abord loué des locaux, mais les conditions d'accueil étaient loin d'être idéales. C'est ainsi qu'a germé l'idée de construire nos propres centres plus proches et adaptés aux besoins des patients. En 2012, le premier centre a vu le jour à UKHIA, situé à 65 km de Chakaria.

Centre Ukhia (2012/2013)

Cette étape a été cruciale pour AMD, nous permettant d'acquérir de l'expérience en matière de construction et de recherche de financements. Les efforts ont continué avec l'ouverture du centre de Ramu en 2015, à 40 km de Chakaria, suivi en 2018 par celui de l'île de Moeskhali, situé à 45 km. Aujourd'hui, notre réseau continue de grandir avec les nouveaux centres établis dans les villages de Lohagara et Kutubdia, où la SARPV a loué des locaux pour faciliter l'accès aux soins pour les patients.
Grâce au soutien constant de nos partenaires fidèles tels que les fondations Anber, Mérieux, Mitchelham, Wavestone et Alberici, AMD réussi à acquérir un patrimoine immobilier solide en construisant ces bâtiments, ce patrimoine est transféré automatiquement à la SARPV qui en assure la propriété la gestion et le fonctionnement.

Centre Ramu (2015/2016)

Chaque centre est géré par un kiné référent et un assistant « le field monitor ». Ils prennent en charge les patients de leur secteur. Les centres disposent également d'un atelier pour le réglage et la réparation des attelles réalisées à Chakaria. Parmi nos centres, Ukhia occupe une place particulière en servant de base pour nos activités dans les camps de Rohingyas, où AMD à travers la SARPV apporte également un précieux soutien médical.
Aujourd'hui, grâce au réseau de centres de soins, en collaboration avec la SARPV, nous sommes en mesure d'accueillir jusqu'à 15 000 patients par an. Ces patients sont suivis par un personnel bengali compétent. Ce réseau sert également de base aux différents programmes de prévention et de dépistage précoce. 

Un engagement de 22 ans qui démontre notre détermination à apporter aux plus faibles, aux plus pauvres, les soins et les conseils dont ils ont besoin.



Centre Moeshkali (2017/2018)




“FIELD MONITOR”
PIERRE ANGULAIRE
DE LA PREVENTION


︎︎︎ Je m’appelle Sabnoor, j’ai 24 ans. Je ne suis pas mariée et je vis chez mon père et ma mère avec mon frère et sa femme.  Je poursuis mes études en vue d’obtenir un master en « management ». Je travaille au centre de Ramu proche de Cox’s Bazar.

Je m’appelle Priyatosh Das, j’ai 45 ans, je suis marié et je vis avec mon grand-frère et sa famille. Au total à la maison nous sommes sept. J’ai étudié les sciences sociales jusqu’au BAC. Depuis le 14 juillet 2004 je travaille au centre de Chakaria pour la SARPV.
︎︎︎ 


Sabnoor
Priyatosh et Sabnoor : Au centre on accueille les patients, on les interroge sur les raisons de leur consultation et leur histoire médicale. On photographie les enfants et leurs déformations et on remplit un dossier avant qu’ils ne consultent les kinés. On saisit ces éléments sur notre base de données informatique. Notre rôle est également de donner des conseils nutritionnels aux familles d’enfants atteints de rachitisme, d’aider les kinésithérapeutes pendant les soins pour faire les plâtres pour pieds bots ou la kiné pour les enfants atteints de paralysie cérébrale. En fin de consultation, on s’occupe de donner le prochain rendez-vous ou, pour certains enfants, on propose de passer les suivre en campagne.

Priyatosh : Je fais également des visites en campagne. Je m’assure que les consignes données par les kinés sont bien suivies. Je fais également des interventions dans les écoles. Je vais de classes en classes ou je parle du rachitisme, des pieds bots, et d’autres handicaps de l’enfant. Je montre des posters aux enfants pour apprendre à reconnaitre ces maladies. Cela me permet de faire de la sensibilisation et de la prévention. J’explique qu’avec un traitement précoce il n’y aura plus de déformation sévère.


Priyatosh
Sabnoor : Pendant les visites en campagne, j’explique comment prévenir le handicap des enfants. Par exemple concernant les femmes enceintes je leur demande de bien faire leur suivi et leur accouchement à l’hôpital, d’avoir une alimentation saine, je leur donne des conseils nutritionnels.

Lorsque je rencontre un enfant qui présente une déformation, je motive la famille à venir consulter notre équipe au centre de Ramu pour éviter l’aggravation. J’explique que le traitement précoce permet de traiter plus facilement ces maladies.

Priyatosh : Cependant c’est souvent difficile de faire comprendre aux familles l’importance de faire le traitement le plus tôt possible et cela demande beaucoup de temps d’explication. Mais j’aime bien ce travail, je pense que c’est important pour prévenir l’apparition d’un handicap. Mon objectif ? Prévenir le handicap de l’enfant !
Sabnoor : Initialement je me rendais en visite en rikshaw ou en baby taxis et c’était vraiment difficile pour moi, mais depuis peu comme Priyatosh, j’ai une moto, ce qui facilite mes déplacements. Je pense sincèrement que mon travail est très, très important pour les enfants du Bangladesh. Depuis toute petite je souhaitais m’engager dans l’aide à la personne, voilà pourquoi je compte continuer à travailler dans ce projet.

Priyatosh : Une fois le travail terminé, j’aime chanter et passez du temps avec ma famille.

Sabnoor : Moi, j’aime visiter des lieux que je ne connais pas, mais aussi rester avec ma famille.